Sylvain Bertholey » L’objectif premier sur cette course très longue était de boucler la boucle, d’être finisher « 

Sylvain Bertholey » L’objectif premier sur cette course très longue était de boucler la boucle, d’être finisher « 

Le traileur originaire de Genas a participé le 1° septembre à la CCC, de Courmayeur à Chamonix, course de 101 km au dénivelé positif de 6.156 m et petite soeur de l'UTMB !

Petite présentation

» J’ai 33 ans, ingénieur chez Symbio qui développe des piles à hydrogène, j’habite à Irigny ».

Ton programme sportif pour cette année, quel était-il pour ses 8 premiers mois ?

» Travail spécifique pour améliorer ma vitesse cet hiver, puis un petit contretemps au printemps avec une injection de PRP pour soigner une fissure du ménisque qui m’embêtait depuis quelques temps, et ensuite plusieurs courses de préparation entre 15 et 40 km, dont certaines en duo avec mon frère ou en relais avec des amis.

Enfin cet été des belles semaines en montagne pour faire du volume, à pied et à vélo ».


Tu as prévu de participer à la CCC, pourquoi cette épreuve et ce qui t’attirait dans cette course ?

» Ayant fait mon premier ultra trail de 110 km l’an passé au Wildstrubel en Suisse, qui c’était très bien passé, j’ai souhaité cette année remettre le couvert et m’assurer que ce n’était pas la chance du débutant l’an dernier, afin de valider ce format de course avant de potentiellement viser une course de 100 miles (170 km) en 2025.

Mon corps étant assez fragile, j’essaie vraiment de construire mon parcours étape par étape afin de ne pas me griller les ailes.

Cette année j’avais donc choisi la CCC, pour la beauté des paysages autour du Mont Blanc et le fait que ce soit un peu la coupe du Monde de notre sport, avec un plateau très relevé ».


Ton objectif et état de forme sur la ligne de départ ?

» L’objectif premier comme toujours sur ces courses très longues est de boucler la boucle et d’être « finisher ». Si possible avec une bonne gestion de course permettant de courir jusqu’au bout. Les 2 objectifs sont réussis donc je suis plutôt satisfait, et envisage la suite avec envie et confiance ».


Comment s’est passée cette course ?

» 5 h 35 : réveil après une nuit de 3h de sommeil, dans ma moyenne de veille de course, j’ai envie d’en découdre.
6 h 45 : départ en bus pour Courmayeur, bloqué 45 minutes avant le tunnel, habituel paraît-il, on disserte avec mon voisin norvégien sur ce qui nous attend.
8 h 45 : dans le sas de départ, les hymnes italiens, suisses et français retentissent (les 3 pays par laquelle la course passe), on y est, les frissons, les poils qui se hérissent, le cœur qui bat la chamade, le speaker qui fait monter l’ambiance, la meute de loups est prête à s’élancer.
9 h : la course est lancée, 1° km dans les rues de Courmayeur, la foule italienne est compacte et bouillante, c’est le Tour de France, sans les vélos.
Tête de la Tronche (km 9 > 1.400 m+) : après un départ dynamique mais raisonnable pour se placer avant la montée, ça grimpe en file indienne, je trouve le rythme un peu mou mais je me dis que c’est un mal pour un bien, la course est encore longue. Passage en 1h41 (ma prévision était 2h), sans forcer ça déroule bien sans faire monter le cœur.

Grand Col Ferret (km 30 2.600 m+) : après les magnifiques chemins en balcons, passage aux refuges Bertone et Bonatti, puis Arnouvaz, vient la mythique montée au point culminant et la bascule en Suisse, je passe en à peine moins de 5 h soit dans ma prévision la plus optimiste, même si la montée est bien plus lente que la première.

La Fouly (km 40) : cette longue descente m’a fait mal, j’ai chaud, je manque d’énergie, les jambes ne répondent plus, alors je décide de prendre 10 minutes de pause au ravito et de manger beaucoup pour reprendre des forces…Dans la précipitation, je mange surtout un peu de tout et n’importe quoi, mon estomac me le fait savoir très rapidement et n’est pas d’accord pour repartir au pas de course, donc ce seront 5 minutes de + sur la note pour qu’il accepte de coopérer à nouveau.

Champex Lac (km 53 > 3.300 m+) : on est à mi-course, ça fait maintenant quasiment 3 h que j’avance au ralenti, sur la fin de la montée avant le ravitaillement je ressens un léger mieux, je commence à pouvoir repousser sur les jambes et je redouble quelques coureurs, la dynamique s’inverserait-elle ?
Je retrouve Thomas (qui assiste son frangin Florent, admirable finisher malgré des dispositions contraires vendredi), ses parents et sa copine Alix qui m’assure si gentiment une assistance 5 étoiles. Je prends cette fois le temps de m’alimenter intelligemment, de changer de tee shirt, de faire redescendre un peu ma température corporelle, ça fera 20minutes d’arrêt en gare de Champex-Lac, mais beaucoup y resteront bien plus longtemps et 200 ne repartiront pas. Ça me fait du bien de voir les personnes avec qui j’ai partagé les jours avant la course, où j’ai été si bien accueilli et que je ne saurais encore comment remercier. Je repars finalement en trottinant sous des encouragements nourris de Suisses enflammés. Je ne le sais pas encore, mais c’est le tournant du match.
Après 5 minutes au ralenti moteur au bord du magnifique lac de Champex, la lumière se rallume, le moral est regonflé, les jambes repartent, j’aligne quasiment 2kms à 12km/h avant le début de la prochaine grosse montée vers l’alpage de Bovine.

La Giète (km 65 > 4.000 m+) : dans la foulée du renouveau, j’attaque le faux plat montant en trottinant, c’est bon signe. La pente se raidit, j’arrive de nouveau à pousser sur les bâtons, les sensations sont de retour, et c’est à mon tour d’avaler les camarades un à un comme ils m’avaient déposé 3h plus tôt, c’est plaisant, le coucher de soleil au sommet est apaisant, et avec lui les températures qui redescendent, des signaux positifs pour la suite de l’aventure.

Trient (km 71) : ça y est la nuit tombe mais surprise, je me mets à doubler des concurrents en descente, ce qui est rare pour être souligné. Je cherche Alix du regard mais je comprends rapidement qu’elle n’a malheureusement pu être arrivée avant moi au ravitaillement avec les soucis de navettes de l’organisation. Qu’à cela ne tienne, cela ne m’abat pas plus que ça, j’ai l’habitude de me débrouiller seul comme un grand habituellement, donc je refais le plein et repars au pas de course après 10 petites minutes d’arrêt.

Les Tseppes (km 75 > 5.000 m+) : première montée dans la nuit, pas longue mais très raide, autour de 30% de pente pendant 2kms, ça bâtonne sec ! Au point d’eau du sommet, je rencontre Marco, qui vient de Belgique, et comme nous sommes que tous les 2 et pas d’autre lampe frontale à la ronde, je lui propose qu’on partage ensemble la descente jusqu’à Vallorcine, le dernier gros ravitaillement et point d’assistance. Et là, un jeu plaisant démarre, on voit progressivement apparaître sur le chemin en contrebas des points lumineux, notre petit train est efficace et on continue notre remontée en reprenant de nouveau une petite vingtaine de coureurs dans cette descente. En arrivant à proximité de Vallorcine, on est regonflés à bloc et se met d’accord avec mon camarade d’aventure de faire un ravito express, il reste “seulement” 20 km et 1.200 m de dénivelé pour rallier Chamonix, c’est en quelque sorte la petite balade du dimanche matin.

La Flégère (km 94 > 6.200 m+) : comme dans un rêve, on n’arrête pas de relancer dès que possible dans cette ultime difficulté, on alterne trot et marche rapide assez efficacement pour redoubler de nouveau une vingtaine de concurrents, nous arrivons au sommet en 16 h de course Il reste 8 km et 800 m de dénivelé à dévaler, le dernier petit objectif du jour est fixé, ce sera de passer sous les 17h , et pour ça on n’aura pas le temps de compter les cailloux dans la descente.

Chamonix (km 101) : ça y est, on sort du dernier chemin, la suite, beaucoup la connaissent (à la télé au moins), on passe la passerelle, puis le long de l’Arve, et on débouche enfin dans les rues de Chamonix. Malgré l’horaire tardif (presque 2 h du matin) je suis étonné de croiser tant de monde nous encourager et taper dans nos mains dans les derniers hectomètres. Et puis la dernière ligne droite, les dernières foulées (à 13km/h) et finalement le passage sous cet arche mythique, place du triangle de l’Amitié.

C’était le gros challenge que je m’étais fixé cette année, je suis finisher de la CCC, les émotions se mélangent, la joie, le soulagement, la fierté, la fatigue bien sûr, et des souvenirs gravés pour la vie. Je ne suis pas déçu, cette course a été finalement comme souvent en ultra endurance des hauts et bas, et la magie de pouvoir passer de l’un à l’autre en un fragment de seconde, un peu comme un résumé de la vie finalement ».

Et pour conclure ?

» Pour finir, je ne saurais comment remercier toute la bienveillance et le soutien dont j’ai été témoin avant, pendant, et après ce beau voyage, la famille, les amis, collègues, coureurs ou non, et le team LCAC bien sûr, pour les dizaines de messages dont j’ai été inondé cette dernière semaine.

J’ai plaisir à vous partager ces quelques lignes de cette petite balade alpestre (que certains me réclament depuis samedi), j’espère aussi que ces quelques minutes de lecture ne vous auront pas trop ennuyé ».


Et maintenant d’ici la fin d’année ?

» Je m’étais volontairement projeté sur aucune course supplémentaire avant la CCC, pour voir comment mon corps et ma tête réagiraient pendant ce challenge, et l’encaisseraient ensuite.

Une semaine après la course, la récupération est bonne et pas de blessure à signaler, donc je regarde pour planifier 2 ou 3 courses sur la fin de saison, dont probablement la SaintExpress début décembre ».


CCC 2023 / 101 km / 6.200 m+

+ d’infos sur la CCC > https://montblanc.utmb.world/fr/races/ccc


Son temps : 16 h 54.

Son classement : 261° / 1650 finishers (2.200 partants)


 

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