Yann Fouron « Le sport a toujours fait partie de moi et m’a toujours passionné »
Le triathlète aindinois qui a réalisé un rêve d'enfant en débutant en 2022 a décroché en juin son billet pour les championnats du monde d'Ironman à Nice et revient sur sa course.
Petite présentation
» Je suis âgé de 33 ans, marié, père de deux garçons (âgés de 8 et 6 ans), je suis gendarme à la brigade de Montluel, qui est également mon lieu de résidence ».
Votre parcours sportif depuis votre enfance ?
» Lorsque j’étais plus jeune j’ai touché à beaucoup de sports (judo, karaté, tennis, escalade,…) car mes parents voulaient que mes frères et soeurs fassions au moins une activité dans l’année. Puis de la 6° à la terminale j’ai pratiqué le handball, j’ai même entraîné des tout-petits. Ce sport m’a beaucoup apporté comme le goût de l’effort, de se dépasser pour les autres, la cohésion etc.
En parallèle aux alentours de 14-16 ans, j’ai commencé la pratique du VTT et de l’escalade.
Puis la période des 18 ans est arrivé, j’ai pratiqué le cyclisme sur route mais en effectuant beaucoup de pause au cours des années entre mon entrée en gendarmerie, l’éloignement avec ma conjointe, l’arrivée de mes enfants. Cela ne m’empêchera pas d’effectuer quelques cyclosportives ainsi que des étapes du Tour de France.
C’est à partir de 2017, que par manque de temps pour la pratique du cyclisme je commence à me mettre à la course à pied, grâce à mes voisins (pourtant de base je n’aime pas ce sport). Je me prends petit à petit au jeu jusqu’à me surprendre à apprécier. Je commence également la pratique du trail et commence mes premiers défis (Transjurassienne (36 km et 2.200 D+) Trail de Samoëns (53
km et 3.000 D+), Saintélyon (76 Km et 2.500 D+)).
En 2019, pour ma participation à la Saintélyon, j’ai été très rigoureux dans ma préparation physique. J’ai compris qu’avec une préparation spécifique et assidue, je pouvais atteindre de beaux objectifs sportifs. Ce fut un réel déclic.
Lorsque j’étais enfant, un triathlon avait eu lieu sur ma commune. Je me souviens avoir regardé les athlètes avec tellement d’admiration. A ce moment une petite voix intérieure m’a murmuré « un jour je veux être à leur place ». Cette envie est devenue un réel rêve à atteindre. Puis en grandissant j’ai entendu parler de l’Ironman. Pour rappel cette épreuve se compose de 3,8 km de nage, 180 km de vélo et un marathon (42,195 km). Et là mon rêve a prit une nouvelle dimension.
A partir du COVID ma situation professionnelle et familiale s’est stabilisée et là je me suis dis « c’est le moment d’accomplir mon rêve ». C’est à ce moment que l’aventure Ironman débute réellement.
Le sport a toujours fait partie de moi et m’a toujours passionné, même si au grand désarroi de mes parents, à l’âge de 6 ans je ne savais toujours pas courir ».
Quand avez-vous démarré le triathlon et quel est votre palmarès à ce jour ?
» J’ai débuté le triathlon en 2022 sur l’Ironman 70.3 de Aix en Provence (scratch 369/1856), pour ensuite participer au triathlon M de la Madeleine (scratch 28/279) et au L du Ventouxman (scratch 46/303).
En 2023, j’ai participé au L de Challenge Frejus (scratch 101/331), à l’Ironman de Nice (scratch 387/1800) et aux Championnats du monde Ironman à Nice (scratch 1000/2200).
Je précise que pour triathlon 70.3 et L il s’agit des mêmes distances à savoir 1,9 km de nage, 90 km de vélo et un semi marathon (21,1 km), ce qui correspond à un demi Ironman. Un triathlon M est ce que l’on appelle la distance olympique à savoir 1.500 m de nage, 50 km de vélo, 10 km de course à pied ».
Quelles sont vos préférences (CD ou LD), vos points forts dans ces 3 disciplines ?
» J’ai une préférence pour la longue distance. Je trouve que l’effort est moins violent et cela me plaît de repousser les limites le plus longtemps possible. Je trouve ça formidable de voir les réactions du corps humain et de l’esprit sur de longues distances. L’homme est vraiment extraordinaire et a des ressources insoupçonnées.
Les courtes distances nécessitent d’être dans le rouge du début à la fin ».
Combien d’heures (et où) d’entraînement par semaine ?
» Mon quotidien est bien rythmé entre les contraintes liées à ma fonction de gendarme (astreintes, nombreux imprévus, rythme de travail irrégulier) et ma vie de famille. Parfois j’arrive à lier l’entraînement et la vie de famille : ma femme court avec moi et mes enfants suivent à vélo.
J’arrive à me dégager entre de 12 à 15 heures d’entraînement par semaine. Lors de mes plus grosses semaines d’entraînement je monte à 20 heures ».
Quel était votre programme et vos objectifs pour cette année 2023 ?
» Mon objectif 2023 était très simple : être finisher de l’Ironman de Nice. Pour l’instant je construis mon programme d’entraînement tout seul sans avoir spécifiquement de compétence dans ce domaine.
Pour 2023, j’avais prévu des compétitions de préparation : une demi-distance (Challenge Frejus) dans le cadre de ma préparation, ainsi qu’un marathon (marathon d’Annecy).
Ma préparation course à pied avait bien débuté, mais a été complexifiée par des blessures (périostite aux deux tibias). Heureusement que j’ai un super kiné !
Cette année, j’ai pris conscience qu’un programme d’entrainement réalisé par un professionnel allait me permettre d’une part d’améliorer mes performances mais aussi d’éviter les blessures. Je commence donc un coaching individuel avec un professionnel spécialisé dans le triathlon dans quelques semaines ».
Comment avez-vous décroché votre qualification pour ce championnat du monde (cat âge) à Nice ?
» J’ai décroché ma qualification à l’Ironman de Nice en juin 2023 en finissant cette édition en 11 h 51.
Je finis 78° de ma catégorie. Néanmoins, il y avait un grand nombre de places qualificatives et le Roll and Down a joué en ma faveur ».
Comment s’est passé la course (par discipline) ?
» La natation a été un peu compliquée. En effet, l’eau étant à 24,8 degrés la combinaison fut interdite. N’étant pas un grand nageur je savais que cela allait être une vraie épreuve. Je n’ai pas subi la nage en elle-même mais j’ai été très lent malgré de bonnes sensations. J’ai également souffert du froid.
Par contre il faut reconnaître que le départ dans l’eau au lever du soleil sur la Baie des Anges ça vaut quand même le détour !
Le vélo a vraiment été un moment de pur bonheur. Je suis parti dans l’optique de gérer ma course sans me mettre dans le rouge et de profiter au maximum. Pour le coup c’est mission réussie. J’ai pu profiter de chaque instant. Le parcours de Nice me correspond plutôt bien. J’aime quand il y a du relief, cela est plus à mon avantage. Et la longue descente technique ne m’inquiétait pas du moment qu’il n’y avait pas de vent latéral je savais que tout se passerait bien.
De nombreuses chutes des autres concurrents et leur évacuation par les secours me rappelleront d’être prudent à chaque instant. Le parcours de Nice est vraiment exigeant et ne laisse aucun moment de répit.
La course à pied est mitigée. C’est pourtant un exercice que j’ai appris à apprécier. La première moitié se passe bien avec un rythme correct et je me retiens d’accélérer pour en garder sous le pied. Néanmoins au 28° km je craque complètement physiquement et mentalement. J’ai encore du mal à expliquer les raisons, bien que j’ai quelques pistes, notamment liées à l’alimentation. Malgré
tout c’est une petite frustration car je sais que ce craquage me coûte cher sur mon chrono et mon classement.
L’arrivée, il faut le dire, c’est tout simplement magique. La course à pied étant 4 boucles sur la Promenade des Anglais, lors du dernier tour vous bifurquez pour entrer sur cette allée menant à la ligne et là vous en prenez plein les yeux. Il y a une foule en folie qui crie et applaudit chaque finisher. Il y a cette arche magnifique et vous vous rendez compte que vous finissez les championnats du monde, que vous êtes allé au bout de cette épreuve et que vous avez une chance infinie d’être là. Les émotions, la fatigues, la joie tout ce mélange, c’est pour ces moments-là que nous nous entraînons quotidiennement. Le mot de la fin étant » Yann you are an Ironman « ».
Son temps : 12 h 16′ 32 & son classement : 1046°
Vos ambitions et état de forme sur la ligne de départ ?
» Sur la ligne de départ je me sentais plutôt en forme. Je n’avais aucune ambition particulière. Je savais que les meilleurs mondiaux étaient présents et je suis très lucide sur le fait que je ne peux pas rivaliser.
Je voulais simplement me faire plaisir et profiter de l’épreuve. De plus étant sur ma première année d’Ironman je ne savais pas comment mon corps allait réagir à l’enchaînement de deux Ironman en deux mois ».
Et pour conclure, des anecdotes de course ?
» Malgré la longueur de l’épreuve je reconnais que je n’ai pas spécialement d’anecdotes. Je me revois dans la Baie des Anges, être content de regarder les poissons tout en pensant à ma compagne car la veille nous étions venus nous baigner sur cette même plage, et râlait (gentiment bien sûr) car nous n’avions pas de lunette pour regarder les poissons.
Sur la partie vélo, chose qui ne s’est pas spécialement su, mais avec quelques coureurs j’ai été bloqué plusieurs minutes car un hélicoptère s’est posé pour transporter un participant qui venait de chuter.
Petit souvenir du marathon, je garde un bon souvenir d’un contraste qui s’est produit au moment où mon corps m’a lâché. En effet, une jeune fille du public s’est montrée très inquiète pour moi et me demandait si tout allait bien et si j’avais besoin de quelque chose, tandis qu’à côté des bénévoles (très gentils par ailleurs et de très bonne humeur) prenaient ça à la rigolade et me charriaient. Cela reste un bon souvenir malgré la situation dans laquelle je me trouvais ».
Un sentiment mélange d inquiétude et de grande fierté quand on soutient son fils. Voir des athlètes de tout âge aussi accomplis et les voir se dépasser jusqu a la souffrance, grande impression. Bravo pour eux tous et continuez, vous nous rappelez que le mental et la rigueur dans la vie peut venir à bout de beaucoup de choses. Encore bravooôo