Jean-Marc Baujard « La Diagonale des Fous est LA course qui me faisait rêver depuis longtemps »
Le traileur genassien était au départ le 19 octobre dernier, parmi les 2.861 coureurs du Grand Raid de l'île de la Réunion, un ultra-trail de 165 km et 10.000 m de dénivelé positif.
Petite présentation
» J’ai 54 ans, marié, 3 enfants, habitant Genas depuis 23 ans et membre de l’association de course à pied « La Foulée Muroise » depuis 6 ans ».
Tu as auparavant disputé de grandes courses (Echappée Belle, UT4M 160 Extrem, Madeira Island Ultra Trail, UTMB), pourquoi la Diagonale des Fous, cette année ?
» Oui, pas mal de grandes courses à mon actif, avec chacune leur charme et leur intérêt. Mais La Diagonale Des Fous est LA course qui me faisait rêver depuis longtemps.
Avant même d’être coureurs, mon épouse Delphine et moi-même rêvions de visiter La Réunion, pour aller randonner dans les magnifiques paysages offerts par les cirques et les reliefs volcaniques.
Devenu coureur, l’attrait pour cette course mythique s’est renforcé d’année en année ».
Quelles courses as-tu déjà couru cette année ?
» J’ai participé à peu de courses organisées cette année. Blessé au genou en ski de randonnée au mois de Janvier, j’ai été contraint à un repos forcé jusqu’au mois de Mai.
J’ai rattaqué en mode « reprise » le 7 mai avec le Trail du Nivolet-Revard (55 km / 2.860 m D+) dans le cadre du week-end « Famille » organisé par La Foulée Muroise.
Puis j’ai couru le Trail de L’Aubrac (70 km / 1.980 m D+), course que j’avais envie de faire depuis longtemps. La forme commençait à revenir en ce 18 Juin, puisque je finis 17° au scratch, et 2° de ma catégorie !
Nous avons couru Le Tour des 5 Refuges (34 km du Trail des Fiz) en duo avec Delphine début Juillet, mais n’avons pas pu terminer pour cause de blessure.
Et enfin, j’avais positionné l’Ultra Trail du Vercors (82 km / 4.800m D+) le 9 Septembre, 1 mois et demi avant La Diagonale ».
L’as-tu préparé spécifiquement ?
» Comme à mon habitude, je n’ai pas préparé de plan d’entraînement très cadré, et j’ai focalisé ma préparation sur de grosses sorties montagne, et quelques week-ends « bloc » pendant lesquels j’ai accumulé de nombreuses heures de rando-course et mètres de dénivelé ».
Quelles sont les difficultés de cette épreuve ? (distance, dénivelé, météo)
» La Diagonale des Fous est l’épreuve reine du Grand Trail de La Réunion, événement qui regroupe quatre formats différents :
www.grandraid-reunion.com/francais.
Elle part de Saint-Pierre, au Sud pour remonter jusqu’à la côte Nord, en passant par les pentes du Piton de La Fournaise, puis celles du Piton des Neiges, le Cirque de Cilaos, le Cirque de Mafate, sans oublier le redouté Chemin des Anglais, pour finir au Stade de La Redoute à Saint-Denis.
Le parcours de 165 km pour 10.000 m de dénivelé positif, comprend de nombreux secteurs très techniques avec beaucoup d’alternances de montées-descentes parsemées de marches très casse-pattes !
Ce rajoute à cela quelques belles difficultés dont les noms nous trottent dans la tête depuis de nombreux mois : Le Col du Taïbit, Le Chemin Ratinaud, Le Chemin des Anglais, …
Au niveau météo, cette période marque le début de l’été austral et je m’inquiétais un peu de souffrir de la chaleur. Les gradients de température peuvent être très importants entre le plein soleil dans les cirques et la fraicheur des sommets en pleine nuit et il faut être préparé à cela ».
Comment l’as-tu abordé, en bonne forme ?
» Une douleur au mollet survenue dans les trois dernières semaines avant la course, m’a obligée à couper mon entrainement un peu plus tôt que prévu. Du coup, je suis arrivé bien reposé et plein d’énergie le jour de la course, et la douleur au mollet avait disparue.
Une très bonne condition au départ donc ! ».
Quels étaient tes objectifs ? simplement finir, avec un temps ou une place définie ?
» Mon objectif principal était bien-sûr de finir la course. J’avais toujours en tête les spectres de mes blessures au genou et au mollet qui me faisaient un peu douter de ma capacité à terminer…
Je n’ai plus l’âge, ni les performances pour prétendre à un classement sur ce type de course.
Sur la base des plans de course disponibles sur Internet, notamment celui de l’association Eruption – que je remercie pour toutes les informations précieuses qu’ils apportent pour la préparation – je visais un temps total de 43 heures.
Mon objectif était de partir très doucement et me laisser entraîner le moins possible par l’euphorie du départ ».
Comment s’est passée la course ?
» La course s’est déroulée à merveille. La beauté du parcours a dépassé mes attentes, et la découverte de ces paysages, si variés et tous plus beaux les uns que les autres, a été une réelle motivation pour avancer tout au long de la course.
Comme je m’y attendais, l’ascension des pentes du Piton des Neiges la première nuit a été très froide, et nous étions soulagés de voir arriver les premiers rayons de soleil (qui fort heureusement se lève tôt et très vite là-bas !).
A part quelques petits coup de mou, habituels sur ce genre d’effort, j’ai réussi à bien gérer mon rythme. Delphine et notre fils Amaury étaient présents à la première base de vie à Cilaos (72 km / 3.752m D+) pour me rebooster ! J’ai ensuite été ennuyé par des nausées qui m’ont empêchées de m’alimenter correctement à partir de la mi-course.
Un peu entamé en fin de 2° nuit à l’arrivée à la seconde base de vie de Deux-Bras (128 km / 7.721 m D+), j’ai décidé de dormir 20 minutes afin de repartir dans de meilleures conditions. Ce choix s’est avéré utile, je suis reparti galvanisé pour attaquer les 40 derniers kilomètres… et quelques 10 heures restantes sous un soleil de plomb.
Le Chemin des Anglais a été fidèle à sa réputation : les longues montées et descentes difficiles en plein soleil sur des pavés irréguliers ont été éprouvantes. Mais j’y étais préparé et les dernières étapes sont assez courtes entre les ravitaillements où je retrouvais Delphine et Amaury qui en profitait pour parcourir un bout de chemin avec moi.
Etant en bonne condition, j’ai vraiment apprécié la fin de course, et je termine sur le Stade de La Redoute en 41 h 14′ 21″, heureux d’en avoir terminé ! ».
Une ou deux anecdotes de ce voyage à la Réunion ?
» Une des choses les plus marquantes est l’ambiance générale sur cette course : c’est vraiment un événement important pour toute l’île.
Au départ de Saint-Pierre, pendant 5 km, on défile entre des foules de supporters qui hurlent, chantent, jouent de la musique.
Tout au long du parcours, les gens sont bienveillants et prodiguent conseils et encouragements, c’est vraiment agréable ! ».
Avec le recul, comment es-tu physiquement et mentalement ?
» Mes blessures m’ayant laissé tranquille, je n’avais aucune douleur à déplorer à l’arrivée, ce qui était déjà une grande satisfaction.
Grosse fatigue physique et mentale, bien entendu, notamment le lendemain de la course. Nous en avons profité pour visiter la côte Sud avec un peu plus de voiture qu’à l’habitude. Mais dès le Lundi, nous étions sur les pentes du Piton de La Fournaise pour aller voir le cratère Dolomieu (à faire !) ».
Au final, satisfaction ou déception ?
» Très très grande satisfaction d’avoir accompli ce rêve, et surtout d’avoir découvert ces paysages dont la beauté a dépassé mes attentes ».
Et maintenant dans ton agenda sportif ?
» Rien de précis dans mon agenda pour le moment. Je me laisse le temps de récupérer de l’effort, et je recommence à trottiner doucement.
Je m’inscrirai probablement à quelques courses cet hiver, et il faut que j’étudie le planning pour décider quel sera mon challenge pour 2024… ».
Et pour conclure, quel pourrait être ton prochain rêve sportif ?
» J’ai réalisé un de mes plus beaux rêves, mais je n’éprouve pas pour autant de sentiment de vide. Il y a plein de belles courses au calendrier, il suffit de trouver celle qui me motivera…
Et la motivation arrive souvent lors des discussions avec les autres membres de la Foulée Muroise qui font naître des idées et génèrent de saines émulations !
Le Grand Raid des Pyrénées, Le Trail des Templiers, L’infernal Trail des Vosges, L’Ultra01… La liste est longue… ».
