Christophe Coulomb » rouler 2.500 km était une totale entrée dans l’inconnu pour moi «
L'ultracycliste villeurbannais s'est lancé un nouveau défi le 18 juin avec la Race Across France, du Touquet Paris-Plage à Mandelieu la Napoule, qu'il souhaitait couvrir en 7 jours.
Dans quel état physique as-tu abordé cette épreuve après avoir enchaîné Bikingman Portugal et Bordeaux-Paris ?
» Une certaine appréhension était présente à l’approche de la RAF car je ressentais encore certaines douleurs physiques dues au cumul de mes engagements (Bikingman Portugal et Bordeaux Paris). Une fatigue générale importante s’est également fait sentir à la suite de ces deux épreuves.
J’ai donc beaucoup misé sur la récupération pour pouvoir arriver sur la ligne de départ, le plus frais possible. «
Concernant la Race Across France, pourquoi l’avoir inséré dans ton calendrier des courses 2022 ? Tu la connaissais de nom où l’avais tu déjà disputé ?
» J’ai longuement hésité à m’engager sur la Race Across France 2.500 km de par son format et l’engagement que cela demande. Mais il s’avère que la possibilité s’offrait à moi cette année, en termes de calendrier. Possibilité, que je ne suis pas certain de pouvoir retrouver tous les ans.
Ma participation à la Race Across France a une résonance toute particulière. C’est avec cette course que j’ai découvert l’ultra distance. Effectivement, en 2020 inscrit sur la cyclosportive, » le Tour du Mont Blanc » qui fut annulée pour cause de crise sanitaire, je me suis reporté sur la RAF 335 km.
J’ai découvert alors le milieu de l’ultra distance avec les sensations extraordinaires que cela procure. Rouler de jour comme de nuit, être autonome, être à l’écoute de nos sens, de l’environnement qui nous entoure, vivre selon la course du soleil, se recentrer sur des besoins primaires et vivre des moments de partage incroyables.
M’aligner sur le 2.500 km est donc une façon de boucler la boucle. Revenir sur cette course 2 ans après, sur l’épreuve reine qui m’a tant fait rêver. C’est aussi une façon de mettre à profit tout l’entraînement que je suis avec rigueur depuis 2019 avec mon coach Arnaud Duval (chez Pic de Forme ) » .
Quelles sont les spécificités de cette course ?
» Ce parcours de 2.500 km est marqué par sa longueur bien évidemment mais aussi par sa composition. Cette année la RAF se déroule du Nord au Sud, ce qui implique d’atteindre la porte d’entrée des Alpes à partir de 1.500 km. Précisément où se situe le cumul de dénivelé positif le plus important. Il s’agit donc de ne pas partir trop vite pour ne pas se brûler les ailes avant. «
Comment l’avais-tu préparé ? avec ton coach ? avais-tu déjà roulé en compétition sur une telle distance ?
» Ma participation à la RAF a été déterminée dès fin 2021. Son positionnement au calendrier a donc été intégré à mon plan d’entraînement très tôt, tout comme mes participations au Bikingman Portugal et au Bordeaux-Paris. Ce qui à permis à mon coach d’adapter au mieux l’évolution de mes séances d’entraînement.
Rouler 2.500 km était une totale entrée dans l’inconnu pour moi qui roule sur des formats 1.000 km. «
Quelles étaient tes ambitions sur la ligne de départ, finir avant tout ? avais tu fixé un objectif de chrono maxi ?
» Mon objectif personnel était de pouvoir finir en 7 jours. Même si le principal demeure avant tout de donner le meilleur de moi même et d’aller au bout de ce format titanesque. «
Comment s’est passé l’épreuve (en combien de jours ?) Au niveau météo, qu’en était- il ?
» Cette épreuve m’a mis une claque et très tôt. Nous avons débuté la course avec une tempête sur la côte Normande, qui fut une belle découverte. Puis nous avons connu des orages violents 6 jours durant, ponctués de pics de très forte chaleur. La météo, une épreuve dans l’épreuve.
Le fait d’être trempé et dans un état de moiteur quasi permanent a eu pour conséquence de me créer des douleurs de selle aiguës au bout du 2° jour seulement. A partir de ce moment-là, tout à changé. Ne pouvant plus tenir en position assise sur la selle et sur les prolongateurs, j’ai compensé en me mettant fréquemment en danseuse. Et ce sont de nouvelles douleurs qui sont venues s’ajouter, en réaction en chaîne. Il m’aura fallu me concentrer mentalement pour essayer de faire en sorte de détourner mon esprit de la douleur qui faisait rage en moi au point d’en transpirer. Je comprends alors que cette course se transforme en aventure qui consistera à aller au-delà de mes
limites mentales pour atteindre la ligne d’arrivée. Un exercice que de savoir faire preuve de résilience et d’être en capacité d’accepter d’abandonner ses ambitions.
Tout comme le fait d’accepter de faire avec son état de forme du moment et de se remobiliser pour simplement entreprendre de se dépasser et donner le meilleur de soi-même. «
L’ultra offre son lot de rencontres et cela fait partie des ingrédients essentiels à toutes mes aventures. Sur cette RAF, j’ai eu la chance de rencontrer Aurélien Mekil et Thibaut Langlet avec qui j’ai partagé des situations incroyables.
En parlant de situations incroyables, j’aurais vécu bon nombre de situations épiques. Chercher désespérément un hôtel à Nevers à 3 h du matin après plus de 24 h de roulage et prendre un orage violent juste avant d’en trouver un. Ce qui implique de repartir avec des affaires trempées. Se retrouver pris par un orage accompagné d’une pluie torrentielle à Doussard et devoir se mettre à l’abri sous une avancée de garage. Pour finir par frapper à la porte de la maison, être accueilli chez les gens d’une gentillesse incroyable, grâce à qui je trouverais de quoi dormir dans un camping. Que dire de cet orage faisant s’écouler des rivières durant l’ascension du col du Télégraphe et sa descente, qui me transforma en l’état d’une feuille tremblante à Valloire. Pour finir par se réchauffer dans un lavomatique et mettre l’ensemble de mes vêtements au sèche-linge avant d’entreprendre l’ascension du Galibier.
Passé la côte Normande, je m’offre une pause à Saint-Malo. 1 h 30 dans une chambre d’hôtel afin de me doucher, sécher mes vêtements et me reposer dans un endroit calme et confortable.
La traversée de la Sarthe s’avère être un calvaire à rouler. Une ligne droite continue sur des kilomètres, bordée de forêt. Le décor semble figé tant il m’est difficile d’avancer avec la somme de douleurs que je traîne et qui m’empêche de conserver une position statique sur le vélo. L’objectif de rallier Nevers pour s’offrir une pause, semble inaccessible.
Atteindre Charolles me donne un véritable coup de fouet moralement. Le fait de retrouver des paysages vallonnés et familiers est un pur bonheur. Accompagné d’Aurélien nous nous retrouvons coincé par une tempête de grêle, dans un magasin, où nous prenons le temps de manger à même le sol. Un moment inédit qui donne le sourire. J’approche maintenant de “mes terres” et c’est l’occasion de voir mes amis et ma famille au bord de la route. De superbes moments de partage !
La course prend alors un rythme très particulier et il s’instaure un mode de “stop and go” au gré des orages violents et des alertes de l’organisation, ce qui contribue à casser de manière abrupte mon rythme d’avancement et m’use mentalement.
Nous décidons de faire une pause dodo à Jons, abrité sous des arcades de commerces. Ce qui ne m’empêchera pas de me réveiller dans une belle flaque d’eau. Je loue d’ailleurs l’étanchéité de mon bivvy. Tout juste repartis, la route est horrible, car ultra fréquentée. Les voitures et les camions nous frôlent de près, alors qu’il n’y a pas de place pour rouler sur le bas-côté. Le sentiment d’insécurité est vraiment important sur cette portion de route.
Je suis de nouveau stoppé au pied du col du Chat. Un message de l’organisation nous indique qu’il y a un bulletin d’alerte orange aux orages violents et nous demande de ne pas entreprendre d’ascension. Je resterai 1 h 30 dans une boulangerie à attendre de pouvoir poursuivre ma route.
J’ai l’immense surprise de voir Bertrand Berger sur la route pour m’accompagner sur l’ascension du col de Leschaux. Un moment de partage qui me touche vraiment !
Arrivé à Doussard, avec Thibaut et Aurélien, nous nous trouvons pris dans un orage accompagné d’un vent violent et d’une pluie diluvienne. Nous décidons de chercher abris que nous trouverons d’abord chez des gens de façon totalement improvisée. Ces même personnes grâce à qui nous aurons la chance d’obtenir une tente dans un camping. Nous prenons la décision de ne pas entreprendre l’ascension du col de la Colombière dans ces conditions et de nuit.
L’arrivée à la base de vie de Megève marque une vraie étape dans ma progression sur le parcours. Les Alpes sont maintenant devant moi. La traversée des Alpes se fera à la fois magique par sa beauté et laborieuse, car ponctuée par une succession d’orages violents qui mirent à mal ma capacité à progresser et mes ressources mentales.
J’accélère furieusement le rythme pour atteindre la base de vie de Saint-Jean en Royans dans les délais officiels du cut-off, même si l’organisation nous dit avoir donné une allonge au vue des conditions météorologiques rencontrées.
La base de vie de Saint-Jean en Royans marque la fin des Alpes et le passage dans le Vercors. Je décide de me doucher et de me reposer 1 h 30 avant de reprendre la route.
6° jour, les Alpes sont passées, tout comme les orages et la pluie. Quel plaisir retrouvé de pouvoir rouler sans contrainte autre que celle de devoir gérer son effort.
L’arrivée en Provence se fait accompagnée du soleil, de l’odeur des lavandes et du bruit des cigales. Le fait de savoir ma famille à l’arrivée me donne un nouvel élan qui me pousse à avancer.
L’ascension du Ventoux, arrive aux alentours de midi, sous une chaleur écrasante. Le checkpoint du bed and bike de Venasque, sera l’opportunité de manger et de m’offrir une sieste. Je reprends la route et me surprends à éclater en sanglots comme un enfant. Je n’ai pourtant pas d’émotion particulière à ce moment-là. Comme si mon corps éprouvait le besoin de se relâcher.
Place maintenant aux gorges du Verdon que je connais très bien et que j’affectionne particulièrement. J’ai peu dormi et l’envie d’arriver est forte. La mécanique accuse le coup des conditions météo hostiles. Les câbles de dérailleurs sont oxydés et ma transmission est dans un état pitoyable ce qui rend mes passages de vitesses laborieux et aléatoires. Ceci me pousse à rouler en force plutôt qu’en vélocité, ce qui contribue à me créer des tensions aux articulations des genoux.
Je passe la ville de Grasse, l’arrivée se rapproche. Maintenant Mandelieu, j’aperçois la mer, mes enfants et ma femme sont là pour m’accueillir ! Arnaud Manzanini est présent également pour me remettre le fameux “trophée” en bois et maillot de finisher. Place à la photo finish avec mes ptits loups, Chloé et Eliot, c’est un instant magnifique ! «
Comment as-tu terminé (temps et classement) au niveau mental et physique ?
» Je termine en 8 jours et 21 heures à la 42° place du classement solo, dans un mélange de sentiments.
Tout d’abord simplement heureux de retrouver ma femme et mes 2 enfants à l’arrivée. L’instant est magique pour moi. Ensuite, c’est un peu plus confus, je ne suis pas aller chercher le classement espéré et j’ai l’impression de n’avoir pas pu pleinement m’exprimer physiquement, tant mon corps à subi des contraintes en début de course et les conditions météo étaient dantesques.
A l’issue de la course, le manque de sommeil s’avère être maximum, car j’ai beaucoup tiré sur la corde durant les 2 derniers jours. Je me rendrais compte de l’ampleur du déficit que plus tard de retour à la maison et à la vie professionnelle. Tout comme de la charge mentale que m’a demandé l’épreuve. »
Et maintenant place au repos, vacances en famille ?
» Actuellement, Je laisse mon corps et mon esprit se reposer. Je prends soin de mon sommeil car j’accuse une importante fatigue. J’ai également pris rendez-vous chez plusieurs praticiens afin de traiter mes douleurs et de me remettre sur pied.
J’ai un grand plaisir à pouvoir passer du temps avec ma famille et pouvoir prendre le temps de façon générale pour me ressourcer. »
D’autres projets sportifs d’ici fin 2022 ?
» J’envisage de participer à l’épreuve gravel “la 555 Vercors” organisée par Axel Carion durant le dernier week-end de juillet. Ce serait l’occasion de rouler sur les chemins en présence des copains de fastclub. Cela dépendra de mon niveau de récupération physique et de la possibilité d’obtenir un vélo Gravel.
Je participerais d’autre part, au Grand Tour de Lyon (400 km) qui aura lieu le samedi 24 septembre. »
Et pour conclure ?
» Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont suivi et soutenu, tout au long de cette course d’anthologie. La famille, les amis, mon coach Arnaud Duval, mon partenaire « Dilecta » et tous les copains du « Fastclub café ».