Cyril Gauthier » Les grandes envolées verticales en extérieur restent le cœur de ma passion «
Grimpeur, éducateur sportif pro qui combine passion et travail, spécialisé dans l’initiation d'enfants porteurs de handicap, consacre son temps au pied du mur à encadrer et former.
Petite présentation
» 45 ans, marié deux enfants, éducateur sportif professionnel depuis 2001 ».
Ton parcours sportif depuis l’enfance et éventuel palmarès ?
» En dehors de l’escalade, j’ai eu la chance de pouvoir expérimenter différentes activités en partant de la natation au départ, un peu de gymnastique et de l’aïkido. Des activités pratiquées en club sur Villeurbanne et en parallèle une participation assidue au sport scolaire du mercredi (sports CO et autres).
Je continue au coup par coup à m’aligner sur des courses de 10 km accompagnant de temps en temps des jeunes en joëlette, loin de ma plus belle réalisation en hors stade avec une Saintélyon bouclée en 2007 (11 h 09) ».
Depuis quand pratiques tu l’escalade ?
» J’ai poussé la porte de l’ASLGC vers 17 ans, pressé de vaincre un vertige qui me bloquait à la moindre confrontation avec la hauteur. Une fois ce frein levé, j’ai progressé sur ma première année jusqu’au niveau nécessaire pour passer l’initiateur escalade juste avant mes 18 ans. A cette époque, je m’entraînais sur un mur de 5 mètres de haut loin des standards actuels avec des murs de 14 mètres.
La discipline a évolué, les méthodes d’entraînement aussi et cela a permis l’explosion du niveau des jeunes grimpeurs au cours des années. J’ai timidement atteint un niveau 7b+ après travail en sortie d’université, consacrant toujours la plus grande partie de mon temps au pied du mur à encadrer et former les autres ».
Ce qui te plait le plus : en salle ou sur falaise ?
» Les grandes envolées verticales en extérieur restent le cœur de ma passion : grandes voies et via ferrata seront toujours la cerise sur le gâteau.
Le mur sous toutes ses formes (blocs, voies…) doit rester un outil d’entrainement. Se priver de ce qui fait de l’escalade une activité de pleine nature est dommage. La formation du jeune grimpeur à la pratique extérieure s’accompagne d’aspects liés au respect de l’environnement de pratique, de la connaissance du milieu (géologie, faune, flore…).
Ce sport est aussi un formidable levier éducatif, amenant le pratiquant à s’engager lucidement dans un milieu où l’on n’est rien sans un travail collectif (cordée, relation assureur / assuré) ».
Quelques anecdotes à évoquer ?
» Plutôt des rencontres.
Elles sont nombreuses, mais la plus structurante pour la suite de mon parcours personnel et professionnel a été la rencontre de mon premier entraîneur en escalade Olivier Buccio, un bénévole passionné. Compagnon de cordée aguerri, il a su m’initier à de nombreuses disciplines de la montagne et de l’escalade (canyoning, cascade de glace, randonnée raquettes …et je ne pourrais toutes les citer). Il m’a montré le chemin qui m’a conduit à combiner passion et travail.
La deuxième a été l’initiation du premier enfant porteur de handicap en 1997. Une première rencontre riche d’apprentissages et la mise en lumière des possibilités qu’offre l’escalade comme pratique adaptée ».
Tu es d’autre part, éducateur sportif spécialisé dans l’escalade, depuis quand ? Peux-tu développer en quoi consiste cette fonction ?
» Initiateur et formateur national bénévole au sein de l’UFOLEP, la bascule vers STAPS était évidente.
Ma licence éducation et motricité en poche, j’ai intégré la salle M’roc (celle de la rue Greuze) quelques années, puis enchaîné quelques saisons avec un BAPAAT APPN mention escalade validé en intersaison. Le retour sur Lyon en 2005 s’est accompagné de ma prise de poste au CPEAVV, un club que j’avais connu en intégrant son équipe de compétition entre 1999 et 2001, pour 17 ans de parcours, ponctué par l’obtention d’un DEJEPS handisport l’année de mes 39 ans.
Pratiqué en structure associative, le métier d’éducateur sportif demande de la polyvalence. Tantôt encadrant, puis en charge de mettre en place des formations, mais aussi sollicité pour tout ce qui fait la vie d’une association et d’un mur d’escalade comme celui où j’exerçais comme la tour d’escalade du mas du Taureau (je vous laisse imaginer ce qu’est un changement d’ampoule à 48 mètres de haut !) …
Préparer, animer des séances pour des publics de club (de 2 à 89 ans), de scolaires et de l’accueil de personnes en situation de handicap. Se remettre en cause et recommencer, en repoussant régulièrement les barrières de l’accueil avec des publics de moins en moins mobiles. Tenter d’innover avec pour limite celle des structures à disposition dans une commune qui a pourtant été pionnière dans le développement de l’escalade urbaine ».
Tu souhaites aussi revenir sur ton parcours au CPEAVV ?
» Les années CPEA puis CPEAVV, ont pris fin il y a peu. C’est un parcours qui a été formateur en bien des points, au regard de la page blanche qu’a laissée la fermeture du CPEA. Nous nous sommes retroussé les manches avec les collègues et les bénévoles pour relancer la dynamique associative.
Passée d’une quarantaine d’adhérents à plus de 200 pendant une courte période, l’association s’est développée et structurée. Nous avons organisé le centre de formation jusqu’à obtenir une certification QUALIOPI (démarche qualité), avec des interventions sur l’escalade rééducative aux quatre coins de la France et une réputation au-delà, entraînant des échanges avec des structure en Belgique, Suisse et Italie.
Cela nous a amenés à monter un projet Erasmus+ avec d’autres structures situées en Suède / Pays-Bas et Italie sur l’idée du partage de bonnes pratiques sur l’accueil des personnes en situation de handicap. Ce projet, réparti sur 5 pays européens, n’a malheureusement pas abouti mais belle expérience ! »
Des souvenirs ?
» 17 ans c’est une belle tranche de vie, difficile de faire un choix. Les adhérents, collègues, stagiaires et bénévoles que j’ai croisés aux cours de ces années m’ont amené beaucoup humainement.
Environ 14.000 heures d’encadrement, des nouveaux projets tous les ans, des montagnes de prises passées au karcher, des kilomètres de corde et de voies, des moments conviviaux. C’est un peu de moi que j’ai laissé en partant… ».
Et à présent, quelles sont tes fonctions ? Tes projets sportifs ou pros ?
» Il y a un an, j’ai amorcé un virage professionnel en intégrant les rangs du Centre EPIDE de Lyon / Meyzieu. Une structure d’insertion professionnelle d’inspiration militaire où j’exerce les fonctions de formateur de sport. Un public de jeunes de 17 à 25 ans, parfois éloignés de la pratique sportive. Du sport santé à l’entraînement de jeunes se destinant aux métiers de l’uniforme, ce fut une superbe expérience.
La suite sera une prise de poste en janvier en Service de Suite de Rééducation en tant qu’enseignant en activité physique adaptée. Une nouvelle aventure professionnelle motivante, j’ai hâte d’attaquer.
Le tout, en conservant une activité d’encadrant indépendant, pour des interventions ponctuelles dans le domaine de l’escalade et du parasport.
Sportivement, la reprise d’une pratique régulière de l’escalade en tant que simple adhérent à l’Amicale Laïque de Jonage a été un bon début. Mais l’idée de m’aligner de nouveau sur un trail ou plus, me trotte en tête. Deux chantiers sportifs en cours pour le moment, avec peut-être la chance de partager de nouveau, quelques kilomètres de course avec un certain Pascal Oberson ».
Et pour conclure ?
» La mise en lumière des pratiques à destination des personnes porteuses de handicap arrive en cette année olympique. Ce sera une belle occasion de tenter l’expérience, pour les dirigeants qui hésitent encore. Des formations existent pour mieux comprendre les publics et les méthodes d’accueil. Des professionnels spécialistes sont présents sur l’agglomération Lyonnaise pour conseiller, former et encadrer !
Les accueils adaptés sont possibles si tout le monde y met du sien, pour ne pas laisser les 10 % de la population qui sont en situation de handicap, à la porte des clubs. Alors foncez ! »
